L’été laissa place à l’automne, puis à l’hiver. Ontario étant plutôt un husky de canapé qu’un chien d’extérieur, les joutes estivales entre les deux nouveaux meilleurs amis du monde se déroulaient à présent dans le salon. Course de quelques secondes l’un après l’autre, grognements, tours autour de la table.
Si First était toujours le déclencheur des hostilités jeux, il finissait toujours les 4 pattes en l’air en soumission. Du haut de ses 13 ans et quelques mois, mon Ontario menait la barque d’une main de maître.
Chante avec nous !
Je vous en avais déjà parlé, on a toujours fait chanter Inuit et Ontario. Mais non, on ne leur rackettait pas leurs croquettes. M’enfin ! Le mois de janvier qui voyait s’annonçait les premiers flocons d’une belle neige furent propice à nos champs.
First en fut tout décontenancé, il entendait tout le monde hurler à la mort, Ontario nous répondre en modulation. Et lui, lui ne savait que japper ou aboyer. Inuit lui jetait des yeux noirs et semblait mécontent qu’il ne sache chanter comme un husky.
Mon pauvre First ressortait dépité de la séance de chant. « C’est pas grave mon First, tu y arriveras une prochaine fois. Ou peut-être jamais, après tout, tu n’es pas un husky, c’est pas dans tes gènes, même si Ontario veut te faire croire le contraire ». Ça ne consolait pas First. On a donc fait ce mois-là plusieurs séances de hurlement à la lune. Faut ce qu’il faut pour faire plaisir à Ontario et à First.
Enfin, ce soir-là, First a modulé comme un vrai chien de meute. Il était fier, super fier et son super pote Ontario l’a regardé pour la première fois avec une vraie considération. Si, si je vous jure. Il semblait même apaisé. Si j’avais su.
Un monde meilleur
J’ai bien sûr oublié la date de ce jour, mais je sais que c’était en janvier, un dimanche, ou un lundi. La météo nous annonçait je ne sais combien de centimètres de neige pour le Perche. Je devais me rendre le lendemain à Paris par le train, et le réveil allait sonner à 4 h 30 du mat pour que je le prenne. On avait eu un semblant de neige, du rien du tout qui ne tient qu’avec le gel ce soir-là. Pas assez pour contenter un husky.
Quant à 1 h du matin, mes deux lascars faisaient encore le souk, je me suis fâchée tout rouge : « First, Ontario, c’est pas fini les conneries ! ». J’ai entendu les petites griffes de First venir jusqu’à moi. J’ai compris son regard, du style : « C’est pas moi, je ne comprends pas, Ontario est tout bizarre ».
Je me suis levée d’un bond. Ontario était allongé, son corps parcouru de tremblement. Il avait déféqué et uriné sous lui, sans pouvoir se retenir. Mon cerveau a bien évidemment refusé de comprendre ce qui se passait. Je me suis précipitée pour réveiller mon mari afin de faire quoi, je me le demande aujourd’hui… tout en tentant de ne pas réveiller mes enfants.
Lorsque nous sommes redescendus, il était déjà trop tard, Ontario ne m’avait pas attendu, il était déjà parti vers ce monde meilleur : le paradis des chiens.
Une veillée pour un chien
Je ne remercie jamais assez mes enfants de ce qu’ils ont fait ce soir-là, alors qu’ils avaient école le lendemain. Ontario a eu droit à la plus belle des veillées qu’à pu avoir un chiot. Tour à tour, nous avons ri et pleurés, nous remémorant tout ce qui faisait qu’Ontario était Ontario.
Plus qu’Inuit, il a laissé une trace indélébile dans le cœur de chacun des membres de notre famille. Il avait le même âge que Thibault, seul un mois les séparait. Ontario était né un 25 décembre, et avait rejoint notre famille avant avril. Je disais toujours qu’il était mon cadeau de Noël d’anniversaire.
Inuit, Ontario, First, ces trois toutous ont jalonné ma vie d’amour, d’amitié, de petit bonheur en petit bonheur.
Je n’oublierais jamais aucun d’eux.
First a été longtemps affecté par la perte de son ami. Il y a quelques mois à peine encore, il pleurait tout ce qu’il pouvait en regardant l’Odyssée blanche. Je crois que lui aussi n’a jamais oublié Ontario, son pote grognon.
Le dernier chien de ma vie
Le dernier chien de ma vie, aujourd’hui, ne fut pas Ontario, ce fut First. Ma fille partant suivre ces études me l’a laissé. Et si de ces quelques mois à ces 8 ans, je n’avais pu nouer de liens profonds avec lui, car j’étais encore dans le deuil d’Ontario, ces 3 dernières années furent riches en échange. First, qui avait toujours rêvé d’atteindre mon cœur l’a bien touché, mais je ne suis pas sûre qu’il l’a su, vu. Il m’a quitté lui aussi, il y a quelques mois à peine. Il a retrouvé Inuit et Ontario dans ce paradis des chiens où j’aime les imaginer caracolant tous les trois, libres et heureux.
Aujourd’hui, j’ai un chaton, elle s’appelle Rosie, mais mon cœur ne cesse de penser à reprendre un chien, tandis que ma raison me dit que non. Mon cœur balance entre huskys et bergers australiens, bien que dans mon cœur, il n’y ai pas de meilleurs chiens que le husky.
Hommage à mes amours de chiens
Merci à toi Inuit, pour ces longs moments de promenades et de câlins, merci pour ton intelligence et ta confiance. Merci à toi, Ontario, mon plus bel ami canin, plein de gentillesse et de calme. Pour ta patience et le temps et l’amitié qui nous a liés. Pour ma petite tête posée sur ta grosse tête, en instant de tendresse. Merci à toi, First, pour toute la patience et l’amour dont tu as fait preuve à attendre mon amour. Merci pour ta bonne humeur de chaque jour, ton espièglerie, ta tendresse débordante, dernier petit ange poilu canin de ma vie à ce jour.
Merci à vous, lecteurs, d’avoir suivi ces aventures sans queue ni tête avec mes huskys. Je vous souhaite tout le bonheur du monde avec vos loulous de quatre pattes, quel que soit leur pedigree.
Et qui sait, peut-être, incurable comme je suis, que bientôt, j’accueillerais de nouveau un husky dans ma maison, parce que, zut alors, mais ce sont les meilleurs toutous que je connaisse. First devait être mon exception qui confirme la règle.
En fait, je dois l’avouer, j’ai craqué :
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