Le terme usine à chiots est un terme passe-partout que l’on retrouve partout sur les réseaux sociaux. Pourtant, peu de personnes ont vraiment idée de ce qu’est une vraie usine à chiots. Alors certes, c’est une vision très subjective, pourtant je vais vous le montrer afin de mettre tout le monde d’accord sur ce sujet.
Dans le monde sauvage, il y a l’EAZA ou l’Afdpz qui dictent certaines règles pouvant aller jusqu’à l’exclusion d’un zoo/parc animalier aussi gros soit-il. Dans le monde de l’animal de compagnie, il n’y a rien, que dalle, whalou. Chaque éleveur fait comme il le veut.
Comment établir des critères de « classement » pour connaitre les bons élèves et les mauvais en matière ?
Les critères pris en compte
Tout d’abord, sachez que pour une fois, ce n’est pas une question de taille, si, si… Et oui, selon les critères que l’on va évoquer, un couple reproducteur suffit pour créer son usine à chiot.
Concernant les critères, nous allons donc nous baser sur un code moral axé autour du bien-être animal dont découlent les points suivants :
- Alimentation
- Cadre de vie
- Age de reproduction
- Intervalles de reproduction
- L’éducation
L’alimentation, le nerf de la guerre
Ce qui devrait être le poste de dépense le plus important pour la santé et le bien-être de nos compagnons en élevage n’est pas toujours évalué de la bonne façon.
Là où certains y voient un poste de dépenses pour faire des (fausses) économies, d’autres y voient un engagement. Car oui, entre une ration au BARF et des croquettes premier prix de chez Super U, il y a un vrai écart de prix. Et il n’y a pas de miracle, la qualité n’est pas la même. Là où la première peut varier entre 4 à 6 € la ration, la deuxième peut aller en dessous de 1 €. Ah c’est sûr les offres des gros fabricants en 9+3 avec en plus les points pour avoir des cadeaux, ça motive l’intérêt personnel plus que celui de l’animal.
Un mauvais gestionnaire d’entreprise pensera que gagner 3 € de budget / jour / chien est une bonne façon d’augmenter ses marges. C’est un très mauvais calcul. Non seulement, c’est une éthique discutable à laquelle les adoptants sont de plus en plus regardants mais en plus, ça va engendrer des frais cachés bien plus importants.
Développons un peu cette idée. Croquette premier prix = aliments pas chers. De ce fait, leur digestibilité est moins bonne, certains nutriments ne seront pas assimilables par l’organisme. Donc ça va rentrer d’un côté pour ressortir de l’autre, aucun intérêt. Après c’est sans compter les carences alimentaires que l’on va créer. Qui dit carences dit maladies pour lesquelles il faudra aller chez le vétérinaire et payer un traitement. Mais attendez, ce n’est pas tout, car l’alimentation joue un rôle sur le parasitisme interne et externe ainsi que la fertilité. Et soyons clairs, la production de chiots, c’est la principale rentrée d’argent d’un élevage. Alors, si ce dernier a des portées plus petites ou des avortements voir même des césariennes, tout cela va venir grever ses revenus.
Sur ces 15 dernières années, j’ai pu voir au travers de 1001 nordiques tellement de situations chez les éleveurs. Beaucoup sont venus demander conseils suite à des avortements partiels ou totaux à répétition.
Sans les nourrir au foie-gras et au saumon fumé, il y a un juste équilibre à trouver pour avoir des chiens en bonne santé sans les nourrir comme des poules.
Petit retour d’expérience : les chiennes au BARF sont plus vite remises de leur lactation que lorsqu’elles étaient aux croquettes (qu’importe la marque). Après, il faut un BARF équilibré, soyons bien d’accord.
Le cadre de vie
Le cadre de vie détermine notre humeur entre autres. Rappelez-vous les Parisiens pendant la COVID bloqués dans leur 15 m² à 4 sans balcon ni terrasse alors que nous nous étions tranquillement installés dehors au soleil à nous occuper de nos animaux.
Le lieu de vie que vous offrez à vos animaux est donc primordial pour éviter la promiscuité, les maladies, les bagarres… Mais c’est sûr, avoir de grands enclos, ça coûte plus cher qu’une cage, ça demande du temps. Tout est une question de priorité.
Je me rappelle lors du dépôt de dossier à la DSV (à l’époque) où nos interlocuteurs nous ont dit que tous les éleveurs déposaient des plans avec de grands parcs, mais qu’une fois le sésame obtenu, ils revoyaient leurs ambitions à la baisse. Et bien cette fois, c’était l’inverse, les parcs ont été agrandis (jusqu’à 50 % de plus) par rapport au projet.
Prenons un autre exemple de cas que l’on a rencontré. Sortir en exposition tous les week-ends, c’est super, ça coûte un bras, mais surtout il faut que le chien soit propre et pas blessé. Conclusion, l’habitation était pleine de caisse de transport avec les chiens dedans un par un.
Lors des visites d’élevage auxquelles je participe, les adoptants voient toutes les installations, rien n’est caché, c’est la philosophie de l’élevage et ce qui a fait une partie de sa réputation mondiale. Donc si vous ne voyez pas tout, c’est louche…
La reproduction
· L’âge de reproduction
Abordons maintenant la reproduction. L’âge légal varie selon les races et la centrale canine a resserré un peu les choses en limitant le nombre de portées. L’idée est bonne à la base, mais elle apporte une réponse incomplète, car elle ne tient pas compte du nombre de chiots de la portée. Alors, « cramer un jeton de portée » pour un seul chiot, ça va en agacer certains qui seront alors tentés soit d’euthanasier le chiot, soit de le déclarer sur une autre femelle, car c’est tellement facile de truquer un pedigree, mais avec l’ADN malheureusement.
Il y a aussi l’âge minimum et maximum. C’est facile de trancher, mais ça ne tient pas compte de l’animal surtout si elle a fait de petites portées. Vaut-il mieux faire 5 portées à une chienne qui fait 10 chiots ou 10 portées à une chienne qui n’a qu’un chiot à chaque fois ? Pas simple de répondre n’est-ce pas ? Mais entre l’âge minimal et maximal d’une chienne reproductrice, il n’y a que 7 ans. Donc il peut être tentant pour un éleveur de faire reproduire toutes les chiennes dans cet intervalle pour récupérer celles qui produisent peu. L’intérêt économique prime dans ce cas sur l’intérêt éthique de l’animal. Et ça fonctionne dès lors que l’on a 2 chiennes. On est loin d’un cheptel immense non ?
· L’intervalle de reproduction
C’est presque pareil que le point précédent. Certains seront tentés de faire reproduire dès que possible tout en respectant la charte de la SCC (l’exemple donné pour l’eurasier diffère selon les races. Certaines autorisent 3 chaleurs sur 4. Tout cela bien entendu pour rentabiliser l’animal sur le court laps de temps de sa carrière de reproductrice. Peut-être qu’avant ils auraient fait 1 chaleur ou 2 en laissant un peu plus de temps à la chienne pour se remettre des sa mise-bas.
· Les cas particuliers
Et si vous n’avez pas eu de chance et que votre chienne a eu une césarienne avant, que faire ? Vous l’avez payé un bras, un rein et un poumon, car elle a une couleur super rare importée d’un pays étranger qui a retrempé le sang avec on ne sait pas trop quoi.
Alors avec ces restrictions d’âge, est ce qu’elle sera rentable si elle pose une chaleur de plus ou est ce qu’il faut tenter le mariage ? Vous voyez où je veux en venir, là on frôle dangereusement avec une éthique douteuse.
La vie du chien de sa primo éducation à la « réforme » du vieux chien
· L’éducation
La primo-éducation est primordiale pour tout animal. Elle va définir les bases de son comportement pour le restant de sa vie. Une primo foirée comme on le voit souvent chez les particuliers, ce sont des galères en perspectives, car oui, être éleveur ce n’est pas juste mettre kiki sur mémère, ça exige des compétences. Et ce n’est pas parce qu’on fait 5 chiots à la maison par année que l’on fait une bonne primo-éducation. Il suffit de regarder les humains pour comprendre que même avec un gosse tout peut foirer et pourtant c’est la même espèce. Une fois encore, la qualité du travail n’est pas déterminée par la quantité, mais par l’expérience.
· Les non-LOF
Pour les non-LOF, la SCC n’entre plus en jeu, donc chacun fait comme il veut que ce soit en bon travail, comme en mauvais. Quasiment pas de traçabilité, c’est la roulette russe.
· La réforme des vieux chiens
Autre sujet très tabou. Il faut être clair, les vieux chiens ne peuvent pas tous être gardés dans un élevage professionnel c’est une réalité. Ils sont bien mieux à finir leurs vieux jours dans une famille aimante au chaud et dorloté. C’est un sujet que je connais bien. Il y a un peu moins de 20 ans, je me suis battu pour adopter les 2 parents de ma chienne qui avaient 13 et 14 ans. Après 1 an de bataille, j’ai eu l’éleveuse à l’usure. Ils ont vécu 18 mois avec moi qui resteront inoubliables.
Là encore, on trouve des mauvais élèves qui préfèrent l’euthanasie de commodité. Une fin de vie pas toujours propre pour ces chiens donc les propriétaires éleveurs ont un fusil et un grand jardin… Ragots ou vérités ? Je ne suis pas là pour un lynchage public de mauvais éleveurs.
L’actualité du moment
Les lois évoluent avec la fin de la vente de chiots en animalerie. Le contenu concernant les delphinariums m’inquiète plus car il ouvre la porte sur des dérives potentiellement importantes concernant les zoos et parcs animaliers dont le rôle de conservation est primordial. Mais c’est un autre débat. Les sites d’annonces comme Le Bon Coin vont aussi subir une grosse, grosse purge et c’est plutôt une bonne chose
Exemples d’usines
Maintenant que vous avez touché du bout du doigt la complexité de la réflexion, voici quelques exemples plus concrets pour vraiment enfoncer le clou. Et je suis sympa, je ne vais pas publier les images les plus atroces avec des cadavres, des chiens recouverts d’excréments, sans poils, je laisse les images choc à L-214.
Alors, voyez-vous, à présent, ce qu’est réellement une usine à chiot ? Vous imaginez le mal que vous faite aux éleveurs passionnés qui ont fait le choix de vivre pour leurs animaux 7/7 et qui ont un cheptel de 30, 50, 90 chiens ? La prochaine fois, repensez à ce que vous avez lu ici avant de traiter un élevage d’usine à chiots sans savoir ce que c’est réellement.
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