Je vous ai déjà parlé des moutons ? Non, je ne crois pas vous avoir raconté cette aventure. Oui clairement Ontario était un créatif. Pourquoi se contenter de sangliers, de hérissons, de chenilles, de pigeons… ? Quand on a devant soi tout un champ d’ovins bien gras !
Ah oui ! Ça, pour être créatif, ce soir-là, monsieur l’est et puis quoi c’est l’été, la nuit descend doucement sur la campagne, une petite promenade sans laisse et sans maître, c’est tellement fun ! Gredin de chien, va !
Quand on n’est pas chez soi, la fugue c’est plus sympa !
Je m’en souviens encore, la journée nous avait accablées de sa chaleur et nous discutions attablées en toute sérénité avec ma belle-maman, à la fraîche. Oui, oui, j’aurais dû me méfier, c’est toujours quand le monde paraît paisible qu’une tuile vous tombe sur la tête ! Mon beau-père fait irruption dans la pièce, affolé : « Ton chien s’est sauvé, ton chien s’est sauvé ! Je suis désolé. »
Bon là, je ne fais pas la fière, le jour décline et j’ai surtout peur qu’il se fasse renverser. On part chacun dans une direction : mon mari descend la route sinueuse vers les champs. Non, y a pas de blés, c’est la Creuse et l’on y fait surtout pousser des vaches. Mon beau-père lui monte en direction de la maison de mes grands-parents. Et moi, je file du côté des pigeons. Je reviens décontenancée de ma recherche, logiquement, il aurait dû préférer les ramiers. Cela n’aurait jamais fait que sa troisième razzia chez les voisins de mes beaux-parents. J’arrive au portail, me demandant si je ne vais pas prendre la voiture et réaliser ainsi un plus grand tour. Peut-être en direction de Montluçon, après tout, il ne connaît pas du tout cette route-là. Le husky adorant découvrir de nouveaux horizons, il a tout aussi bien pu aller dans cette direction.
C’est au moment où je m’apprête à rentrer pour récupérer les clés du véhicule, que mon cher et tendre m’interpelle : « Ton chien il est dans le champ en bas, après le lavoir ! » « Ben pourquoi tu l’as pas ramené ? » « Il a pas voulu m’écouter ! Il court comme un c.. Au milieu des moutons. » « Mais, mais, j’ai peur des moutons… » que je bredouille. « C’est ton chien, tu te démerdes ! »
Oui enfin, j’ai quand même la frousse des moutons moi !
Bon, j’ai peur du noir, des moutons et mon chéri qui m’abandonne. Je le soupçonne de craindre les ovins, lui aussi, mais je ne dis rien. Je ronge mon frein. Pas le temps de courir après une lampe torche. Pas envie, ni les moyens de payer une bête à cornes. Il me faut agir courageusement avant le carnage ! Une chance pour moi mon beau-père qui redescendait et avait entendu notre conversation courtoise me tendit une lampe de poche. Non mais c’est génétique ou contagieux la peur du mouton ?
Bref, me voilà partie avec le cœur qui bat la chamade en direction du champ de ma frayeur. Quelque part, je ne dois pas me plaindre, ça aurait pu être pire, ils auraient pu y élever des vaches. Eh, là, les vaches, comment dire… ? Oui, j’ai les foies ! Je suis une citadine, diantre ! Rurale par amour de la nature et inadvertance !
Enfin, je vois se profiler la barrière du fameux pâturage du délit d’initié peut-être, en tout cas, du délit. J’entre alors dans le champ les jambes en coton. Ces pauvres moutons aux yeux détestables — non, je n’aime pas leurs quenœils, ça me met les jetons — bêlent tout ce qu’ils connaissent. Et je sais parfaitement qui leur fait réciter leur bréviaire à cette heure.
Cette fois, la nuit est bel et bien tombée.
Il est beau mon mouton, hein ?
À dire vrai, je ne vois plus grand-chose et la lampe commence à faiblir. Je n’ai vraiment pas de bol, moi !
J’avance à tâtons, et je me casse bien évidemment la binette dans un creux, je dois prendre un peu de temps pour m’habituer à l’obscurité et comprendre où je me trouve : un ru à sec. Je me relève, en me disant que, fort heureusement pour moi, pas de caméra pour filmer l’instant. Mon honneur sera donc sauf, je ne passerais pas dans le sottisier télévisuel cette année.
Mais quelque part, je me retrouve tout de même à fond dans le bêtisier, entourée d’ovins, non ? Je n’en mène pas large. Héler Ontario au milieu des « bêe, bêe » affolés ne me rassure guère. Je le vois enfin qui caracole, tout content. Pas le temps de dire ouf, que j’entends un bruit de dégringolade et me voilà… Nez à nez avec un mouton ! La lune claire et ronde fait briller ses yeux. Je me sens mal. En plus d’être sidéré, ce malheureux mouton a aussi peur que moi. Il en reste coi, le pauvre, de voir un bipède dans le ruisseau avec lui.
Ontario, quant à lui extrêmement fier de son travail me regarde, jappe, s’agite, prêt à repartir à la chasse. Il commence à divaguer au milieu du troupeau… Et là, ouf, mon cerveau reconnecte ses neurones et je lui dis :
« OK, c’est bon Ontario ! Non, mais c’est bien, tu m’en as ramené un. J’ai pas besoin d’un autre mouton, c’est très bien, tu viens ? »
Le pauvre ovin n’a pas dû se sentir bien quand Ontario nous a rejoints dans le ruisseau à sec. J’ai attrapé le collier, mis la laisse, puis embarquer fissa mon gardien de troupeau d’un jour dans la direction de la maison.
Finalement, Ontario était un grand chasseur de pigeons, de musaraignes, de hérissons, de sangliers… et de moutons !
Fort heureusement, nous n’avons perdu aucun ovin dans cette histoire. Mon beau-père, et tout le reste de la famille ont toujours fait bien attention qu’Ontario ne prenne pas la poudre d’escampette et nous n’avons plus jamais subi de fugues chez eux. Alors, vos toutous, ils aiment le mouton comment ?
Crédits images :
Jaanus Jagomägi
Ontario
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