Après 2 mois et demi alitée, je n’en pouvais plus. J’ai regardé Inuit droit dans les yeux et lui ai dit : « désolé, mais faut qu’il descende le petit bout, alors, tu vas prendre un bain ». Ni une ni deux, Inuit et ses 27 kilos ont atterri dans la baignoire. Il n’était guère ravi. Mais grâce à ce bain, une semaine plus tard, j’accouchais enfin de mon second petit d’homme.
Inuit, fais pas la tête, je reviens avec un deuxième bipède !
L’accouchement, tout comme la grossesse, ne se sont pas réellement bien passé. L’important est que tout le monde soit revenu en bonne santé à la maison. Mon Thibault, magnifique bébé aux épaules de « déménageur Breton » et moi-même. Sauf que le moi-même, après deux mois sans bouger et sans voir grand monde n’a guère plus de muscles et un moral aussi down que le grand canyon.
Ni une, ni deux, je ne tiens pas compte de la réalité et je force sur ma machine. Grande balade avec Inuit, petite et moyenne balade avec les enfants. Les comptes, comme le temps, n’étant pas élastiques, on choisit de ne pas investir dans une poussette double. Maëva a 22 mois, elle peut marcher… Oui enfin presque, parce qu’à 22 mois, je ne suis pas certaine que plus de 3 km par jour soit conseillé.
Inuit a repris du poil de la bête depuis que j’ai remis mes pieds par terre. Enfin ! Il se laisse toujours conduire à faire 3 à 5 fois le tour de la table par Maëva. Jamais plus de 5 fois, parce qu’il n’y a plus ennuyeuse promenade pour Inuit que ce tour du propriétaire, j’y mets le holà.
En promenade familiale sans le papa, c’est épique !
Vous vous souvenez de ma poussette tout terrain ? Mais c’est qu’elle était super chouette quand même cette poussette. On pouvait aller par la route ou les chemins. Quand ma fille était fatiguée, elle pouvait se poser sur le montant arrière, debout, toute fière. Avec Inuit à ma droite, elle avait peut-être le sentiment de conduire un traîneau ?
Inuit n’avait pas perdu son côté nounou. Maëva, qui parlait déjà plutôt bien pour ces 22 mois était fière de présenter son petit frère à chaque connaissance que nous croisions sur le chemin. Inuit ne l’entendait pas de cette oreille ! Immanquablement, dès qu’elle tentait de présenter son frère, endormi dans la poussette, Inuit la repoussait délicatement et entourait autant qu’il pouvait et de toute sa longueur, le véhicule.
Il ne grognait pas, mais je crois que hormis sa sœur, personne n’aurait pu le toucher ou ne s’en serait avisé. Les gens n’ont pu finalement admirer le minois de Thibault que quelques mois après sa naissance. Je pense qu’ils n’ont pas voulu tester s’il allait mordre… ou pas.
Quand tu te rends chez le véto et que tu ne rentres… Qu’avec une laisse.
Oui, c’est ce qui s’est produit ce samedi-là. Quelques jours avant, il avait vomi, il était tout raplapla, pas bien. J’ai pris rendez-vous chez le vétérinaire pour le samedi matin. Seule disponibilité du vétérinaire. Mon cher et tendre m’a proposé de venir. J’ai trouvé plus simple d’y aller seule, pendant qu’il prendrait soin des enfants et puis, ce serait un moment rien qu’à nous, Inuit et moi. Il m’est encore difficile aujourd’hui de me souvenir et d’en parler. Je ne m’attendais pas du tout cela, c’était une simple poussée comme les autres. J’allais rentrer avec mon loup requinqué. C’est ce que je croyais, mais cela n’a pas été le cas.
Bizarrement, ce matin-là, le cabinet semblait désert, du moins, je ne me rappelle pas d’avoir croisé qui que ce soit, ni en y entrant ni en ressortant. Le vétérinaire ne disait pas grand-chose après l’auscultation, ma tête me disait « c’est pas bon », mais mon cœur ne souhaitait pas entendre. Il a effectué un prélèvement de sang, étudié les hématies. J’étais déjà un peu sourde à l’époque, alors quand il a dit « toutes les hématies sont éclatées », ou quelque chose du genre, j’avoue n’avoir pas compris, lui avoir faire répéter.
Ton dernier souffle
À sa tête, j’avais bien compris que les dés étaient jetés, mais j’ai tenté la question conne du désespoir : « Mais on peut encore lui faire le vaccin ? » « Non c’est trop tard. » Le choix n’a pas été facile, j’ai eu le sentiment, longtemps, que le vétérinaire m’avait poussé à faire ce choix, c’était sans doute plus facile pour moi. Puis j’ai accepté, la première piqûre, et je me suis allongée auprès de mon loup, je lui ai dit tout mon amour pour lui, tout ce qu’il m’avait apporté durant ces, maintenant, 6 courtes années, comment il allait me manquer, terriblement.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée, ma tête contre sa tête, je n’avais pas envie de le laisser, mon beau loup. Puis le docteur m’a gentiment rappelé qu’il fallait une seconde injection. Voilà, c’était fini. À l’époque, pas d’entreprise de crémation, mais un agriculteur brûlait les corps. Alors le véto me l’a proposé. Je l’ai appelé de chez lui, je crois. Je ne me rappelle pas, il ne me reste que le souvenir de son grand corps sans vie allongé sur le sol froid du cabinet vétérinaire.
Le retour à la maison
Le retour à la maison fut très dur, bien sûr. Mon mari et ma fille ont retrouvé une épouse et une maman en larmes et avec juste une laisse. Puis j’ai dû expliquer à ma fille pourquoi on n’avait plus de chien. À 14h, il fallait retourner chercher son corps chez le vétérinaire, puis l’emmener jusqu’à l’agriculteur. Ce dernier m’a regardé comme une extra-terrestre à chaque question que je posais. Sans doute que pour lui, une bête n’était qu’une bête. J’ai bien compris que je risquais de récupérer les cendres d’Inuit, de Marguerite et de je ne sais quel autre animal. Mais je voulais récupérer ses cendres et les laisser s’envoler au vent pour qu’enfin, il soit libre. Libre de parcourir le monde comme lui en avait envie et pas comme notre monde lui imposait.
J’ai pleuré toute la journée du samedi, sans discontinuer. Le dimanche matin, je ressemblais à un boxeur, les yeux gonflés à fond, à croire que j’avais même pleuré dans mon sommeil. J’attendais le lundi ou le mardi, je ne sais plus, pour récupérer les cendres d’Inuit et lui faire un bel adieu, dans un endroit qu’il semblait adorer.
Inuit et son caractère indépendant, Inuit et ses grandes oreilles, Inuit et nos belles balades à vélo. Inuit, tu me manques encore.
Aujourd’hui, je ne vous haranguerais pas de question. Je sais à quel point votre tristesse est aussi grande que la mienne si vous avez perdu votre meilleur ami de quatre pattes.
Cette dernière page sur Inuit se veut hommage à tous nos chiens qu’ils soient encore à nos côtés ou pas.
Crédits photo : Jaanus Jagomägi
0 Comments